Mon Adam de lait et ma côte d’Eve
Méditation inspirée par Duns Scot le « Docteur subtil » sur la nature de l’hypostase et « l’ens infinitum »
Manifestation du corps glorieux (une vision du Père Lamy)
« Je touche souvent ses pieds, qui sont entre le calice et le canon, quand il est debout sur l'autel, pendant la messe ; je touche son côté, et je sens la plaie du côté et ses côtes à travers son manteau quand j'élève l'hostie. Je la pose et l'appuie contre son côté. »
« C'est à la messe, à Gray, que j'ai vu Notre-Seigneur couché dans l'autel, le 9 septembre (1909). La matière n'existe plus pour les corps glorieux : il s'est mis au ras de l'autel, soulevant le corporal et la sainte hostie (il montre, du geste, que le corps de Notre-Seigneur était dans l'autel, affleurant à la surface de la table). Il a dit : « Dans
un an d'ici... » Je l'ai vu deux fois à Gray ; la première fois comme ça ; la seconde fois (9 septembre 1910), il était debout. La seconde fois, il m'a parlé. Notre-Seigneur, étant sur l'autel, écoutait ma prière. A La Courneuve, voyant que mes efforts étaient absolument vains et que, plus je travaillais, moins j'obtenais de résultats, je m'en plaignais à Notre-Seigneur. Tout était mal tourné de ce que je faisais. J'avais dans l'âme une douleur ! J'exprimai ma peine à Notre-Seigneur. En posant la sainte hostie contre sa poitrine, je lui disais : « C'est évidemment l'effet de mon indignité. Je vous demande, mon Dieu, de demander à votre très sainte Mère qu'Elle veuille bien vous dire ce que je vous dis. Vous êtes son Fils, et moi je suis aussi Son enfant. Vous ne sauriez résister à Sa prière ». Je sentais à travers son manteau la rondeur de ses côtes. J'ai senti aussi une vive chaleur qui m'a réconforté. Après la consécration, le diable était à la droite de l'autel ; il a dit sur un ton dédaigneux : « Quelle prière, Seigneur ! » A ce moment, l'autel fut comme embrasé, et Notre-Seigneur, la figure tournée vers le démon, lui répondit : « C'est le protégé de ma Mère ». C'est tout. Il y a des détails, mais je les omets.
— Lorsque Notre-Seigneur est apparu couché dans l'autel, la table d'autel avait-elle disparu ?
— La table d'autel reste. Vous vous voyez dans un seau d'eau : la matière, de même, n'a plus de résistance, qu'elle soit bois, qu'elle soit pierre. C'est une chose bien difficile à faire comprendre. La matière ne cesse pas d'être pareille, mais elle se laisse pénétrer. Quand Notre-Seigneur passe derrière l'autel, le tabernacle disparaît, le regard s'arrête sur sa personne, mais jamais la matière ne gêne. Mais je n'ai jamais vu disparaître le calice, ni la sainte hostie. »
Un curé comme en fait plus (tellement)
Le Père Lamy qui visiblement est un saint (à cinq ans il ne dormait déjà plus...) nous parle de Satan et nous exhorte à ne surtout pas le détester. Il parle même de ses qualités en raison de la noble famille à qui il appartient originellement et des colloques qu'il entretient régulièrement avec la Mère de Dieu.
« On m'a donné à lire Sous le soleil de Satan. On ne lutte pas avec Satan ! C'est la lutte de l'enfant d'un an et d'un jeune homme de vingt ans... et la comparaison pèche encore. C'est illusoire ! Pour Jacob, je crois que Dieu avait limité la force de l'ange à celle de la forme de l'homme qu'il avait prise. Sinon ! Sinon, d'un souffle, pas même d'un souffle ! On devrait mettre les choses au net et prévenir les gens. On lutte avec Satan par la prière ; mais la prière est la force de Dieu. Qui exauce la prière ? C'est Dieu. Lutter contre Satan ! Oui, on lutte avec des armes qui sont divines. C'est un séraphin. Il se présente devant Dieu comme il veut. Il obtient toute puissance contre le saint homme Job, dont Dieu a mesuré la vertu, à la vie près. Que faire contre les brigands rassemblés par Satan ? Ils lui
prennent ses troupeaux. Satan suscite un vent dans le désert, qui renverse la maison où dînent ses enfants. Que faire contre la tempête soufflée par Satan ? On n'a qu'à voir Satan pour deviner toute sa puissance. De même pour les bons anges. Quand l'ange prend la forme humaine, on voit aussitôt une puissance supérieure : on est confiant, mais on sent la puissance. J'insiste sur le Soleil de Satan : c'est faux. Ils ont de l'imagination. Elle n'atteindra jamais la réalité. »
« Avant que le saint archange me prévînt, je ne me rendais pas compte de ce que je faisais en insultant Lucifer, je ne voyais pas la disproportion qu'il y a entre l'homme et l'ange. Il ne faut pas irriter même un archange mauvais. Il faut avoir le respect de l'œuvre de Dieu... (Riant.) On va à l'école tous les jours ! Il était à la sacristie et il m'embêtait. Je lui dis : « Ah ! La sale bête ! » Saint Gabriel me dit : « N'oubliez pas que c'est un archange ! Ne discutez pas. Respect à Lucifer : c'est l'archange déchu ». C'est comme un fils de famille très noble, déchu par ses vices. Il n'est pas respectable par lui-même, mais il faut respecter sa famille en lui. On respecte le chef-d'œuvre du Créateur, même détruit. C'est d'ailleurs, une meilleure méthode pour faire rentrer Satan en lui-même. Satan, comme un enfant, ramasse sur la route pierres et boue, tout ce qui lui tombe sous la main, pour nous le jeter ; mais, si on se met à lui répondre injure pour injure, c'est alors une vraie bataille de chiffonniers. Quand on respecte son caractère angélique, on le contriste bien davantage. »
« A La Courneuve, j'ai eu tellement maille à partir avec Lucifer ! Un jour, j'allumais des candélabres, des bouts d'autel ; j'avais mis dans les bobèches des petits bouts de cierges qui restaient du dimanche. Ceux-ci, que je ramassais partout dans l'église, me servaient pour une messe, quelquefois pour deux. J'avais déjà l'ornement, je n'avais plus qu'à mettre la chasuble. Voilà Satan qui se montre devant moi de l'autre côté de l'autel. Il était là pour me narguer en face, probablement. Il sait que nous ne sommes pas deux frères ! En le voyant me faire la nique, je me fâche et je lui jette à la figure : « Je ne dis pas ma messe ce matin ! » lorsque la voix grave de Notre-Seigneur, sortant du tabernacle, m'a repris par ce mot : « Célébrez ». On la reconnaît bien la voix de Notre-Seigneur. Je m'incline, naturellement, devant sa volonté. Il est parti : nous en avons eu, tous deux, pour notre argent ! »
« Il est assez ennuyeux quelquefois. Dans la sacristie de La Courneuve, il m'empêchait de lire mon bréviaire : il faisait le cheval, le chien, le loup, la souris. Il tapait sur les vitres. Mon sacristain me disait : « Ils casseront toutes les vitres ! » Je lui répondais : « Laissez donc les gamins jouer au ballon ! » Et un fracas ! etpan ! Le sacristain courait dehors, croyant qu'il empêcherait de taper dans les carreaux. »
Sentir Dieu après Auschwitz
Je récuse complètement l'image simpliste incrustée dans notre langage théologique qui consiste à imaginer que Dieu est présent comme un "oeil" qui surveille et voit tout de notre monde et n'intervient pas quand des êtres subissent des tortures et des avanies qu'ils n'ont pas souhaité. Les témoignages de respacés de camps montrent que la plupart des êtres sont privés de grâce et dépérissent dans des conditions insupportables et inhumaines.
Il est aberrant de supposer que "quelque part" en leur for intérieur la lumière brille alors qu'ils ne sont même pas au courant (mais le chrétien ou supposé tel le sait mieux qu'eux et est à même de leur donner cette bonne nouvelle...). Nous serions donc mieux informés qu'eux sur leur condition et donc à même de les réconforter en adoptant la célèbre devise du docteur Palngloss "tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes".
Une telle extrapolation suppute une intériorité secrète fantasmée et une forme de "langage privé" déconnecté du public et du réel (au sens de Wittgenstein), qui repose sur une fiction et une confusion entre l'union substantielle de l'âme et de Dieu (potentielle quand l'homme est sous l'effet du péché) et l'union actuelle (qui ne se produit que par l'action de la grâce sanctifiante).
Ce qui est vrai pour le saint ou l'être béni en passe de le devenir, la transformation effective de l'enfer en Paradis et vision de béatitude est faux pour le commun des mortels qui agonise privé de lumière.
"Dans la baraque où j'avais échoué, le chaos s'installait et s'amplifiait de jour en jour avec l'arrivée de nouvelles vagues de prisonnières. C'était les survivantes des camps évacués au fur et à mesure de l'avance soviétique à l'Est, alliée à l'Ouest. Elles étaient dirigées, dans les pires conditions, ver Ravensbrück, situé entre les deux fronts. Ainsi, il y avait vingt-trois nationalités dans ce camp et on y entendait toutes les langues, si bien qu'il était terriblement difficile de garder un rapport quelconque avec qui que ce soit.
Le dortoir de notre baraque était déjà comble. On entassait les lits à trois étages dans la pièce qui le précédait ordinairement affectée à la distribution des rations quotidiennes, lesquelles se réduisaient au point d'accélérer la mort par inanition.
C'est dans cette sorte d'annexe que je découvre soudain mère Marie, gisant à l'étage intermédiaire, très près de celui qui m'a été affecté, au-dessus. Les lits étaient superposés sur trois étages et devaient recevoir chacun jusqu'à trois prisonnières. Ils étaient alignés les uns contre les autres. Pour en sortir, il fallait d'abord ramper jusqu'à l'un des rares passages puis, si l'on occupait le troisième étage, comme c'était mon cas, se laisser glisser jusqu'en bas, enfin, progresser de biais tant le passage était étroit, en espérant qu'on ne serait pas obligé d'enjamber des mourantes incapables de rejoindre leur paillasse et gisant à terre.
Comment décrire mon effroi lorsque je trouve mère Marie dans ce pandémonium. Au premier regard, je comprends qu'elle est entrée en agonie.
Bien que mourante, mère Marie devait aller à l'appel chaque matin, pendant deux ou trois heures, debout. Toujours couchée entre les appels, elle ne parlait plus, ou presque plus, et s'absorbait dans une méditation sans fin. Son visage était impressionnant à regarder, non pas à cause des traits ravagés – car nous étions habitués à ce spectacle – mais de l'expression concentrée qu'il reflétait d'une terrible souffrance intime. Il portait déjà les stigmates de la mort. Cependant, mère Marie ne se plaignait pas. Elle gardait les yeux clos et semblait en oraison. C'était, je crois, son Jardin des Oliviers.
C'est sur cette vision de mère Marie que je m'arrête, chers amis. Avec vous, rejoignons-la, en ce Vendredi Saint de 1945 où, d'après les témoignages, elle a été emmenée pour mourir dans la chambre à gaz. Ce destin, elle l'avait bien plus tôt mystérieusement prévu et, pour conclure, je citerai pour vous le poème où elle exprime la prémonition de son martyre :
Mon bûcher brûlera...
sur une terre étrangère,
Des branches mortes monte une mince fumée,
Le chant funèbre devient plus fort.
Mais la ténèbre n'est pas mort ni vide,
En elle se dessine la Croix.
Ma fin, ma fin consumée.
Oui, la ténèbre n'est pas mort ni vide. Mère Marie est vivante pour l'éternité". (http://www.pagesorthodoxes.net/saints/mere-marie/mmarie-temoignages.htm)
Pour celui qui meurt phénoménalement dans l'absurdité et le "néant" (au sens sartrien), il est inutile de lui seriner que "de toutes façons Dieu est avec lui" même s'il ne le sait pas. Je trouve que c'est le comble de la muflerie et de la prétention. Parce qu'est-ce qu'un être privé de Dieu peut faire d'une telle information ? En quoi est-il aidé ?
Il va évidemment être encore plus contrit et attristé et ressentir profondément qu'on se moque de lui, qu'on se paye sa tête et qu'au fond on ne l'aime pas alors qu'on prétend parler au nom du "Tout-miséricordieux" et du "très charitable".
Le philosophe Hans Jonas a médité sur le "concept de Dieu après Auschwitz" . Il est parvenu à des conclusions que je partage alors qu'il se dit athée, même s'il ignore une certaine tradition hébraïque et chrétienne qui a bien avant lui pensé et sondé ce mystère.
Si "Celui qui est excellemment bon" n'intervient pas en cas d'injustices et de souffrances que subissent ses enfants (alors qu'il est représenté comme un père aimant), ce n'est pas parce qu'il ne veut pas (et "respecte" la "liberté" de ses créatures comme une maman qui laisserait ses rejetons se faire écraser sous prétexte de préserver leur libre-arbitre...), mais parce qu'il ne peut pas.
En créant l'univers et en laissant apparaître en lui des créatures et une altérité, Dieu a renoncé à sa toute-puissance non pas dans un sens métaphorique mais réel. Il n'y a pas de convertissabilité entre les attributs d'omni-science, d'omni-potence. L'univers et les créatures possèdent une autonomie du fait même qu'ils sont là, ce qui complique la donne et rend le réel complexe et insaisissable.
"En quel sens le concept de toute-puissance se contredit-il lui-même ? Une telle toute-puissance serait une puissance qui n'est pas limitée, qui n'a pas pour limite des choses existant en dehors d'elle-même. L'existence de l'altérité serait pour elle l'anéantissement de l'absoluïté de sa puissance : « La puissance absolue, dès lors, n'a dans sa solitude aucun objet sur lequel agir ». Mais une puissance sans objet est une puissance sans pouvoir donc s'anéantirait. En ce sens la toute-puissance est un concept auto-contradictoire, dénué de sens. Avoir du pouvoir, c'est avoir du pouvoir sur quelque chose, c'est donc nécessairement ne pas être absolu (tout comme la liberté ne s'éprouve que dans la nécessité et la contrainte).
Cela revient à définir le concept de puissance de manière relationnelle. C'est ce caractère relationnel qui rend impossible le concept de toute-puissance. Et si la chose sur laquelle s'exerce le pouvoir n'offre aucune résistance, ce pouvoir exercé revient aux yeux de Jonas à un non-pouvoir, à une absence de puissance. La puissance n'existe que comme puissance exercée sur une chose qui possède elle-même une puissance. Puissance signifie capacité de vaincre quelque chose. Et la simple coexistence d'une chose suffit pour qu'il y ait puissance, car Jonas défend la synonymie entre exister et résister, ce qu'on lui concédera sans difficulté. Par conséquent, pour qu'il y ait puissance, celle-ci doit être partagée (même si par exemple la puissance des créatures provient de la puissance divine) : Dieu n'est pas un être tout-puissant.
Mais se dresse également une objection théologique à l'idée de toute-puissance divine. Dieu ne peut être tout-puissant ET bon qu'à condition d'être insondable : s'il était tout-puissant, on ne pourrait maintenir sa bonté qu'en concevant Dieu comme un être au dessein incompréhensible, au dessein insondable, qui échapperait à notre compréhension, à notre entendement : « C'est seulement d'un Dieu complètement inintelligible qu'on peut dire qu'il est à la fois absolument bon et absolument tout-puissant, et que néanmoins il tolère le monde tel qu'il est ».
Autrement dit, Jonas met en avant l'impossibilité de lier ensemble simultanément trois concepts en Dieu : toute-puissance, bonté suprême et compréhensibilité. Il s'agit donc de savoir quelles propriétés sont nécessairement liées au concept de Dieu. Autrement dit, de quelle propriété peut-on se passer pour poser le concept de Dieu ? Dieu est nécessairement bon. Cette propriété est inaliénable : Dieu est nécessairement un être bon, suprêmement bon. En ce qui concerne la connaissabilité de Dieu, elle est certes limitée, mais ne peut être abandonnée : le caractère totalement énigmatique de Dieu est inconciliable avec la Torah, qui insiste sur le fait qu'on peut connaître Dieu, une part de sa volonté et même de son essence (il y a eu révélation).
Le judaïsme ne peut admettre un Dieu inintelligible. Sur ce point, Jonas reste fidèle à sa tradition religieuse. Dieu est donc absolument bon et connaissable. Par conséquent il ne peut pas être tout-puissant. C'est la nécessité du point de vue judaïque de poser le concept de Dieu comme connaissable qui conduit à rejeter, sur le plan théologique tout du moins (car Jonas, en philosophe, a d'abord rejeté logiquement cette idée de toute-puissance) la toute-puissance divine. « Après Auschwitz, nous pouvons affirmer, plus résolument que jamais auparavant, qu'une divinité toute-puissante ou bien ne serait pas toute bonne, ou bien resterait entièrement incompréhensible (dans son gouvernement du monde, qui seul nous permet de la saisir). Mais si Dieu, d'une certaine manière et à un certain degré, doit être intelligible (et nous sommes obligés de nous y tenir), alors il faut que sa bonté soit compatible avec l'existence du mal, et il n'en va de la sorte que s'il n'est pas tout-puissant. C'est alors seulement que nous pouvons maintenir qu'il est compréhensible et bon, malgré le mal qu'il y a dans le monde ». (https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Concept_de_Dieu_apr%C3%A8s_Auschwitz)
Les questions interdites
La lecture salvatrice de Claude Tresmontant permet de découvrir que la quasi totalité de la théologie enseignée est erronée, car encombrée d'images factices et enfantines qui interdisent de se faire une conception et une représentation claire de la vie de Jésus-Christ et de sa mission, même et surtout dans les traités catéchétiques et la "pastorale" commune.
La conscience infantile représente et s' imagine trivialement et pieusement la "trinité" comme un conglomérat de petits bonhommes qui dansent dans le ciel et sont réunis de façon incompréhensible et mystérieuse. A partir de cette image sommaire de kermesse populaire, les traités les plus savants ont été écrit et les disputes innombrables pour "éclairer" les relations et les rôles respectifs du Père, du Fils et de l'Esprit sans rien apporter de vraiment utile à l'oraison, mais en embrouillant tout ou en simplifiant outrageusement.
Comment dès lors s'étonner que les esprits actuels rompus aux sciences positives aient tourné en dérision ce qui n'apparait plus au mieux comme des fables ou des rêveries poétiques déconnectées du réel et au pire comme des poisons distillé savamment pour émousser et endormir les consciences naïves et facile à endoctriner ?
Le langage a cette faculté remarquable de pouvoir évoquer n'importe quoi et de faire tourner l'esprit en rond en faisant croire que les notions qu'il développent ont un référent réel. Donc on peut faire et construire de belles phrases de théologie, être habile en discours qui ont une apparente cohérence, mais sont en fait vides et creux.
De là un procès répété souvent justifié envers tout ce qui prétend à la "théologie" et à la "métaphysique" au-delà de l'expérience immédiate constatable par tous. Là comme ailleurs on a intérêt à séparer le bon grain de l'ivraie pour éviter de jeter le bébé avec l'eau du bain. Tresmontant prouve à travers son oeuvre unique et cohérente que l'usage du langage théologique doit être éclairé et informé sûrement par la Raison créatrice qui se trouve en continuité avec l'exercice de l'intelligence surnaturelle.
Par une étude serrée et attentive à partir de l'origne hébraïque des textes et de la génétique des dogmes, il montre que la notion de "personne" est parfaitement trompeuse et fallacieuse et ne peut être attribuée en toute rigueur qu'au Fils en tant qu'il est Dieu qui a assumé la nature humaine. Assumé et non pas mêlé, alors que la traduction erronée du grec ("le Verbe s'est fait chair") répandue partout nous livre l'image trompeuse d'un Dieu qui se serait mélangé à quelque chose d'autre (la nature humaine). Il ne s'agit pas d'une simple nuance mais d'une différence fondamentale qui vient obscurcir le sens et interdit de fait une oraison fructueuse.
"Sur la question de la Trinité, il faudra s’armer de courage. J’ai ainsi dû lire deux fois le chapitre pour le comprendre. L’auteur se montre en effet brouillon et pis, cite des textes en latin qu’il ne traduit pas ! Mais avec un peu de courage, on les comprend très bien. Il sera alors démontré que Père, Fils et Saint Esprit ne sont pas des inventions chrétiennes mais des décalques de la théologie hébraïque et que ces trois essences de Dieu sont égales entre elles, ne constituent pas de personnages à part entière et que l’Esprit procède du Fils et du Père.
Je vous résume l’analyse pour plus de simplicité : Le Père, c’est Dieu et Dieu parle : la parole, c’est le Fils (prologue de l’Evangile de Jean) et la Parole agit : l’Esprit touche alors l’Homme. De fait, la parole n’est pas séparée de Dieu puisque proféré par lui ; l’Esprit n’est pas étranger à Dieu et à la Parole puisque l’Esprit est la manifestation de Dieu. De fait, l’Esprit procède de Dieu et de la Paroles : ce sont les mots dits qui germent en l’Homme.
L’Incarnation démontre que la Parole ne s’est pas mélangée à un être humain car Dieu ne se modifie pas, et il est et il restera de tout temps immuable. De fait, la Parole a assumé l’existence de l’Homme, ce qui n’est pas la même chose. Le Fils, c’est la Parole de Dieu professée dans le corps d’un homme réel.
Enfin, le pêché originel. On reste estomaqué de découvrir que l’idée que l’on se fait du pêché originel n’est pas en réalité catholique, mais protestante. L’Homme sali et souillé par la Chute qui pêche comme il respire, c’est la conception de Martin Luther et pas de Rome ! Au contraire, Rome insiste sur le fait que la Création n’est pas terminée, que la chute est certes présente mais qu’elle a permis d’enfanter l’Humanité et que le but final de la Création et de faire des Hommes de nouveaux Christ. Incroyable et surprenant chapitre qui remet en cause toutes nos idées reçues sur la question.
Enfin, Claude Tresmontant traduit le texte de la Genèse concernant la création de l’Homme et la commente. C’est incroyablement riche et passionnant. Ce théologien est en effet un spécialiste de l’Hébreu et du Grec et nous apporte énormément grâce aux étymologies proposées. Non seulement le texte en devient passionnant, mais de plus, on découvre des choses que l’on ne voyait pas : ainsi, découvre-t-on qu’il y a deux arbres nommés dans le jardin d’Eden, celui de la Vie et celui de la connaissance du Bien et du Mal. Eve cueille de l’arbre de la connaissance mais pas de l’arbre de la Vie. Etrange incertitude des mots : que signifie l’arbre de la Vie ? C’est celui-là que les Anges Keroubims défendront de leurs épées de feu et pas celui de la connaissance. Tresmontant avoue son incapacité à analyser le texte plus en profondeur. Cela reste néanmoins magistral. (commentaire client sur http://www.amazon.fr/malentendus-principaux-th%C3%A9ologie-Claude-Tresmontant/dp/2755401400)
Le Père Déodat de Bailly qui a fait renaître les études sur Duns Scot l'a montré à travers toute son oeuvre : les traits de "personnalité" ne sont imputables qu'au Jésus "terrestre" (qu'on relie à la "Trinité économique") en tant qu'il a une volonté propre et non aux autres membres de la "Trinité", ce qui précisément le fait "homme" et non un robot divin au service d'un "Père" hypothétique ayant pour frère un zombi humain agent du Néant et des forces du rien.
En Jésus se coordonnent à la perfection les opérations de la volonté divine et de la volonté humaine, ce qui le distingue formellement de la "trinité absolue" ou céleste qui possède elle une seule et unique opération.
Fort de cette clarification, il est aisé de constater que les théologies hébraïques et musulmanes sont beaucoup plus proches qu'on imagine...
L"'incarnation" ne signifie en aucun cas une "corporisation" quelconque (un Dieu "rétréci" aux dimensions d'un corps d'une façon incongrue comme l'image fallacieuse le suggère), mais le fait que deux natures hétérogènes sont totalement imbriquées l'une à l'autre et parfaitement unies dans un être créé sans souillure. Dans le cas du Christ, cette union existe donc "de nature", alors que pour les êtres soumis au péché elle résulte d'un accomplissement et d'un processus de purification menant à la sainteté.
"Une première constatation s'impose. Par rapport à la définition classique selon laquelle Jésus Christ unit en sa personne la nature divine et la nature humaine, Déodat évite soigneusement de convoquer les termes denature, hypostase, personne, hérités de la conceptualisation des conciles œcuméniques de Nicée (325) et deChalcédoine (415) : non seulement ces notions philosophiques ne se trouvent pas dans l'Écriture sainte, mais, entre le néoplatonisme antique et le kantisme moderne, leur signification a profondément changé. En outre, que faut-il entendre par personne lorsque cette notion est censée garantir l'union entre deux natures ?
Deuxièmement, le Père Déodat substitue à la formule Verbe incarné, celle d'Assumptus homo (= Homme assumé par le Verbe), rejetée en son temps par saint Thomas d'Aquin. Le Franciscain renoue ainsi avec unechristologie basse, typique des Pères de l'Église d'Antioche, lesquels entendaient faire pleinement justice à l'humanité du Christ, telle qu'elle apparaît dans les évangiles synoptiques. De cette manière, l'accentuation théologique se déplace, de l'Immanence (Dieu en lui-même) vers l'Économie (Dieu tel qu'il se révèle).
Troisièmement, le rapport du Christ à Dieu est décrit comme un duel d'amour réciproque entre deux individus autonomes. Cette métaphore dynamique reprend une intuition forte de la théologie scotiste : pour Duns Scot, en effet, Dieu a créé l'univers en prévision d'un être dont l'amour serait capable de correspondre le plus hautement possible au sien. Autrement dit, l'Incarnation n'a pas pour cause première la réparation du péché originel, mais en elle s'accomplit l'intention créatrice de la Trinité, qui, s'aimant à l'intérieur d'elle-même, veut partager cet amour à l'extérieur, en suscitant un individu capable d'y répondre librement et parfaitement.
Dans ces conditions, la christologie se doit de reconnaître pleinement au Christ un Moi humain autonome et concret : l'homme Jésus ne peut être réduit à un automate, un ventriloque, un pantin de la Parole divine. C'est pourquoi le Père Déodat opère une distinction entre quelqu'un et personne : Jésus Christ est avant tout quelqu'un, ce Moi humain singulier et libre, tout comme le Verbe divin est un autre quelqu'un; cependant, en tant que personne, Jésus Christ n'est pas une autre personne que celle - complexe - que constituent, unis, le Verbe, personne divine, et l'Assumptus homo, l'homme singulier qui lui est subjoint. Comme l'écrit Bernard Forthomme,le Moi est in recto celui de l'homme singulier (quelqu'un) autonome, et in obliquo le soi de la personne5. Autrement dit, Jésus n'est pas Dieu in recto mais in obliquo; il présente une psychologie humaine; doué d'une volonté rationnelle; il est la cause de ses propres actes et non un simple instrument sous le contrôle du Verbe". (https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9odat_de_Basly)
La Miséricorde du Père consiste alors à "prendre", "assumer" cette nature humaine qui est hétérogène à la nature divine tout en procédant. Mais pour le comprendre il faut réfléchir à l'acte même de la création. En créant l'univers et les créatures, Dieu a introduit une altérité là où il n'y avait que lui-même au départ.
Des grands kabbalistes, mystique et visionnaires chrétiens comme Jacob boehme ont interrogé et médité en substance ce profond mystère en montrant qu'il a fallu que Dieu opère une "kénose" en lui-même, qu'il se "désaisisse" en quelque sorte de sa propre essence parfaite pour permettre à l'univers et aux créatures d'apparaître.
Cette création qu'il a permis et voulu, Dieu l'a assumée pleinement et ne l'a pas livrée à son triste sort en l'abandonnant. Il a "envoyé son Fils", c'est -à -dire qu'il a créé un être qui puisse servir d'étalon et de modèle aux autres en montrant le but de la création en sa gloire terminale, l'homme qui se divinise et qui s'intègre à sa nature divine en vue d'une nouvelle création.
Pour comprendre l'intention finale -, l'homme divinisé pleintement intégré à sa nature- il faut parvenir à "voir" la cause motrice : le fait même de la création à partir de "rien", de l'absolu. Ce point est soigneusement caché dans le bouddhisme qui donne paradoxalement tous les moyens "techniques" imaginables sous forme de pratiques extra-ordinaires pour "réparer" la créature une fois le "péché" commis (ce qui dérègle complètement l'organisme énergétique ou "corps subtil"), mais sans jamais poser la question de la cause et de la finalité.
Ce qui permet aux esprits forts de considérer que le bouddhisme est une simple "technique", qu'il est même athée et ignore tout de la relation personnelle entre l'Incrée et la nature créée.
En réalité, tout cela est implicite : c'est le Maître qui dans cette tradition donne toute la Lumière informative au disciple sur cette question qui est tenue secrète et jamais révélée publiquement. Dans le Christianisme, cette question est ouvertement soulevée et assumée, mais tout le côté "pratique" de l'affaire (l'"alchime" qui permet la transmutation réelle et non métaphorique du corps subtil) est soigneusemen occultée (il n'ya donc aucune religion qui en rachète une autre !), au point qu'aujourd'hui on entend dans les prêches et les sermons que la "sainteté" consiste simplement à "faire ce que Dieu veut de nous au quotidien".
Le problème c'est que cette vision revient à vouloir la faire un avec la nécessité naturelle, sans même la distinguer de la Providence, ce qui revient asns le dire à une forme de stoïcisme qui est à mes yeux le contraire même d'une vision chrétienne assumant le fait que le bonheur ne se situe pas dans cet univers sensible mais dans le Royaume et le Règne de Dieu.
A nouveau il faut définir les termes pour savoir de quoi on parle. Les études érudites de Jean Carmignac nous montrent que le "retour de Jésus à la fin des temps" n'a rien à voir avec l'image d'un petit bonhomme qui descend du ciel pour illuminer tout le monde et ramener la paix sociale (encore une imagerie naïve incrustée dans notre langage qui a un pouvoir de séduction fou même chez des personnes cultivées et instruites), mais avec l'accomplissement intégral du Royaume (qui n'est autre extérieurement que l'Eglise et intérieurement les opérations de l'âme purifiée suivant un mode de "gouvernement" dont l'analogue humain le proche est symbolisé par la figure de la royauté), en fait quasiment indépendant de la "fin des temps" terrestre.
Assimiler "ce qui est" avec le Royaume est contraire à la tradition : le saint est celui qui a traversé physiquement parlant la vie naturelle grâce au "feu purificateur" inséparable de sa lumière rédemptrice à travers une ascèse et une mission particulière qui lui a donné une vision privée, personnelle et efficiente de Dieu, ce qui lui permet d'accéder tour à tour aux fiancaille puis au mariage et noces spirituelles.
Si cette purification ne s'est pas faite du vivant de la personne, elle s'opère au "purgatoire" et est atténuée grâce à l'intecession du "corps mystique des saints" qui consitute à proprement parler l'Eglise substantielle. D'où la nécessité impérative de méditer sur ce mystère du "purgatoire" pour avoir une représentation cohérente de la destinée humaine. Il existe heureusement de nombreux traités mystiques célèbres qui nous y aident.
Mais en aucun en se contentant de faire le "travail du quotidien" au sens naturel on ne peut espérer participer à la Vie divine qui a son existence indépendante de notre triste existence même si elle peut l'"assumer". Nous devons nous incorporer à un courant qui existe avant nous, avec nous et continuera après nous. On peut l'ignorer volontairement ou tenter de se frayer un accès avec une embarcation de fortune.
Pour avoir une "vision" ou au moins un aperçu de cette "Eglise substantielle" et de cette "vie divine", il faut être connecté a minima à l'église institutionnelle ou à tout autre équivalent dans une tradition sacrée, c'est-à-dire à l'ensemble des signes et représentations sensibles (normalement plus apparent lors des sacrements) qui permettent ensuite de générer patiemment et progressivement un monde plus dense en perfection que notre monde d'apparences illusoires et contaminées.
Les deux réalités sont inter-dépendantes, tout la fameuse expression "hors de l'Eglise poit de salut". Cela ne signifie pas que l'église en tant qu'institution est infaillible (ou à l'inverse qu'elle se trompe tout le temps), mais qu'on doit partir d'une représentation sensible, de quelque chose de manifesté et de visible pour s'élever progressivement dans la connaissance des mystères.
Tresmontant considère comme un folie de vouloir générer en soi un univers de perfection (une démarche honteuse qualifiée sans cesse de "platonicienne", de "gnostique" et de "théosophiques" par notre chercheur), car il a posé son propre dogme étroit et n'a posé qu'une seule question interdite malgré toute sa science : "on ne peut interroger et sonder les mystères même de la vie divine car création et génération pure sont deux réalités inconciliables".
Pourtant la lecture des saints et des traités de prière valides montre exactement le contraire : une oraison réussie est fondée par une imagination signifiante, éclairée par une information créatrice. Cela présuppose à la fois la réparation de la créature déchue comme la génération d'un univers nouveau qui unit la sensation purifiée et l'esprit réinformé. S'il manque un des termes, l'accès à la transformation et à la vie divine est impossible : cela revient à vouloir marcher sur l'eau avec une seule jambe.
Vouloir réunir l'"une et l'autre est une folie de "théosophes" et de l'ennemi tout désigné : le métaphysicien allemand qui prend divers masques et figures pour travestir l'unique vérité donnée une fois pour toutes et qui surplombe le reste.
Mais notre auteur aurait du savoit que l'ennemi principal niche en chacun à travers l'étroitesse de ses conceptions limitées. Il pêche là par ignorance tombant dans la même ornière qu'il dénonce fort justement par ailleurs. Des esprits audacieux et des âmes bien bien trempées ont osé poser les "questions interdites" et ont même trouvé des réponses en recevant les "lumières intelligibles" appropriées.
Tresmontant a pris son propre cas pour la norme, sans voir que le pratiquant même modeste peut aller beaucoup plus loin et plus profondément, pousser l'enquête jusqu'à ses ultimes conséquences. Il dit lui-même que la Révélation est la communication continue et ininterrompue d'une information créatrice mais il n'applique pas intégralement sa découverte.
Autrement il aurait perçu que création, réparation et guérison des vases et réceptacles brisés formaient une triade qui avait son pendant dans émanation, génération et procession de lumières pures et intelligibles, étant les deux aspects d'un seul et unique Vivant qui est "mort et "ressucité".
Co-habiter et in-habiter ou les deux raisons de l'oraison
Lorsqu'on discute avec des personnes de religion et d'ailleurs, elles vous assènent souvent des formules toutes faites extraites de leur contexte et du "lieu"où elles se comprennent dans les chemins d'oraison. Par exemple des personnes de bonne foi vous répètent que "tout est grâce" ou qu'"il suffit d'aimer" parce que Sainte Thérèse ou un autre saint l'a déclaré à un moment. Ce genre dénoncé parfaitement plat ne rend jamais compte du contexte dans lequel un tel énoncé est formulé et prononcé et a du sens.
Je veux bien croire que tout un chacun cohabite à un moment ou à un autre avec Dieu. Quant à in-habiter c'est une autre paire de manches à mon humble avis.
Les livres sacrés sont en fait des "textes à trou" et des énigmes que la pratique seule permet de compléter et de remplir. Le sens ne s'entend qu'à mesure où l'Esprit agit en fabriquant de nouveaux "canaux de communication" et de compréhension qui n'existent pas au départ. Tant que l'esprit n'a pas agi, les énoncés sont seulement des promesses et des prémisses de sens certes poétiques, emblématiques et jolis, mais sans référent réel.
Une petite partie seulement des énoncés spirituels est compréhensible et audible à la mesure ce qu'on a soi-même expérimenté. Petit à petit l'écheveau se dénoue et le puzzle prend forme, mais le processus est très lent et demande une patiente fermentation. Seulement la conscience mentale et représentative a le pouvoir illusionnant de nous faire prendre la carte pour le territoire, le signifiant pour le signifié, la lune et le doigt qui la désigne.
Et si on ne dispose pas de critères suffisants pour mesurer son progrès on peut se raconter n'importe quoi et surtout diffuser aux autres toutes sortes de sornettes et d'inepties, faute d'avoir étudié de façon systématique les chemins d'oraison, à défaut de les avoir expérimenté soi-même.
Il serait très facile de montrer l'unité de toutes les religions en examinant leurs chemins d'oraison avec précision d'un point de vue expérientiel. Nous aboutirions très vite à la concorde basée sur les faits et non sur les supputations, en prenant comme référent l'excellence et non du plus commun dénominateur. Mais comme le disait Einstein, il y a deux choses infinies dans l'univers : l'univers et la bêtise humaine.
Nous constaterions aisément que toutes les religions fournissent des moyens et des outils pour aboutir à l'union complète avec une réalité personnelle infinie et indicible que par analogie on nomme "mariage spirituel" et dont certains écrits portent le témoignage irrécusable si on les traite avec sérieux et respect, loin de la fausse érudition et des constructions théoriques sans portée pratique (comme celles de René Guénon qui n'a rien compris au christianisme et a écrit a son sujet toutes sortes d'inepties malgré une intelligence indiscutable par ailleurs et de réels dons d'observations).
Des authentiques journaux mystiques tous les fils indispensables à l'oraison peuvent être tirés. Simplement le véritable "mysticisme" est déconsidéré par "l'illuminisme" de fanatiques et d'imposteurs et se trouve de fait complètement voilé et caché au profane. Il suffit de lire le livre de Joachim Bouflet sur "les faussaires de Dieu" pour mesurer l'ampleur de la folie et de la détresse humaine menant aux falsifications en tous genres. .
Mais les "élites" d'aujourd'hui comme d'hier sont elles-mêmes extrêmement limitées et choisissent la facilité en refusant de s'intéresser aux choses en profondeur et conseiller de bonnes lectures aux fidèles, sacrifiant le salut et le progrès des âmes aux intérêts particuliers de groupes d'influence. Elles offrent un statut-quo qui profite à quelques nantis sans même apporter la paix sociale basé sur un pacte tacite : ne pas briser les limites imposées sub-consciemment et les rôles qui ont été attribué à chacun sans réelle concertation.
Tout le monde est promis à la "sainteté" (ce qui est faussement rassurant) alors que les chemins qui y mènent sont coupés de fait (ce qui est beaucoup plus angoissant), tout simplement par élimination du langage qui exprime les réalités divines remplacé par une bouillie psychologisante et béatement optimiste.
Lorsque l'union à Dieu se manifeste intégralement et se stabilise en "mariage spirituel" après une longue in-habitation de la Trinité dans l'âme, le saint "dépasse" tous les dogmes en vigueur et tous les énoncés possibles. Il passe alors la "zone du connu" et inquiète les autorités car il commence à partager la vie même de Dieu dans une quasi identité de substance et de forme. Les écrits de Marthe en portent le témoignage même si Jean Guitton nous dit dans son "portrait" qu'une grande partie dort dans les archives du vatican pour consultation en vue de procès en béatification.
La fin de son cahier montre une exaltation des visions et des grâces ainsi qu'un renouvellement complet, alors qu'elle avait déjà parcouru un chemin exemplaire. Le lecteur est saisi et frissonne devant l'amplification universelle de cet amour qui embrase de tous ses feux et tel un "rapt" vient transporter Marthe vivante et toute entière dans le ciel dès cette terre à l'issue d'une immolation totale et d'un sacrifice complet pour racheter les pécheurs.
Une fois encore la Trinité a daigné visiter mon âme !... Mon âme est assez grande pour contenir l'infini !... Quel mystère ! Quel indicible abîme ! Il me semble voir les trois augustes personnes dans une lumière immense, unies en une seule essence : Trinité dans l'unité, unité dans la Trinité. Et comme unique est l'essence de cette Trinité, unique aussi est sa bonté, unique sa béatitude... Il est là tout entier dans le petit sanctuaire de mon coeur, où il voile sa majesté. Nous sommes seuls et mon coeur palpite continuellement à l'unisson du sien. Le Coeur de Jésus et le mien sont une même chose. Je ne passe pas une minute sans sentir sa présence, et il se manifeste toujours d'une manière plus aimable, et plus parfaite...
Près de l'immensité symbolisant l'éternité, qu'il fait bon déposer sa dépouille mortelle pour s'immerger dans la divinité comme dans un océan sans rivage. Cet abandon qui fait de la volonté divine et de la nôtre une seule et même volonté dans l'amour est le plus complet des actes de foi. Il met l'âme dans l'état de perfection, il la plonge dans un abîme de paix et de délices où elle participe à l'immuable, à la parfaite tranquillité de Dieu, toujours agissant... Non je ne m'abuse pas, le cile me montrera tout ce que j'aime, mais il ne me donnera pas plus, puisque je possède Dieu, que je vis avec lui, en lui et que, le possède tout ! (Extrait du Journal de Marthe Robin)
Maintenant je trouverai toujours des petits plaisantins qui s'imagineront être déjà en pleine identité avec cette vie divine et "sauvés" en donnant toutes sorte de "conseils", alors qu'ils n'ont pas encore enlevé leurs chaussures pour commencer à cheminer en oraison, se privant de tout horizon, préférant co-habiter avec Dieu vu comme leur meilleur pote (titre d'un livre que j'ai lu naguère) qu'in-habiter un jour en la Trinité.
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Le Christ philosophe
Le Père Justin Popovitch est très sévère envers les philosophes.
"La philosophie est un tourment bien spécifique. C'est là que la pensée vient se fracasser dans les abîmes des ténèbres et les sauvages précipices du non-être et du tout-être. C'est pourquoi les philosophes sont dans leur mouvement des gens misérables et emportés". (Père Justin Popovitch, "les voies de la connaissance de Dieu")
"Les philosophes sont, bien souvent, des gens tragiques, car leur pensée s'attaque longuement et obstinément aux mystères du cosmos, avant de retomber, telle un oiseau blessé, devant leurs derniers remparts".
Nous sommes donc bien prévenus par celui qui nous assène à longueur d'ouvrage sa "Philosophie dogmatique de la vérité" consacrant l'unique réalité et médiation du Dieu-homme défiguré par l'homme qui s'imagine et veut se faire Dieu lui-même. Pourtant, Frédéric Lenoir n'a pas peur de voir en Jésus un authentique sinon l'authentique philosophe qui doit nous servir de modèle à tous.
Donc chacun voit midi à sa porte, mais je suis plus enclin à suivre le Père Popovitch que Monsieur Lenoir et j'aime beaucoup les spéculations théosophico-chrétiennes d'un Boulgakov par exemple. En effet, Jésus constitue la "pierre d'achoppement" pour toute réflexion et toute connaissance qui veut aboutir, raison pour laquelle les premiers Pères voyaient en lui "la" vérité et l'aboutissement de toutes les questions, en dehors de "qui" on ne trouve que le néant.
Mais il n'est pas utile de noircir ainsi le tableau même s'il est acquis que la pensée ne mène pas au bonheur. Comme le disait Marthe robin à Jean Guitton "vous êtes cloué à vos pensées tandis que je suis clouée à la croix" et on sait qui nageait dans la félicité au final.
Car chaque philosophie digne de ce nom recèle aussi en elle quelque chose de véridique et un fragment de vérité qui peut positivement se rattacher au Christ (ce qu'a mis en exergue Urs von Balthasard dans "La gloire et la croix"). Il est la "chose en soi" postulée par Kant qui marque la limite de toutes nos spéculations. Il est "ce qui se donne" antérieurement à toute essence dans la phénoménologie. Il est l'"intuition pure de la durée" découverte par Bergson. Il est le mouvement dialectique du réel mis en lumière par Hegel, la différence ontologique de Heidegger, la raison nécessaire de Spinoza, la monade intelligible de Leibniz, le "monde des idées" de Platon, la pensée de l'infini cartésienne...
Il est simultanément toutes ces "figures" (au sens de Goethe) et aucune d'entre elles car toujours au-delà étant un être et une personne là où les conceptions les plus pures de l'intellect qui approchent le mystère sont de l'être qui s'est dégradé mais pas rien non plus,
car tout procède du Dieu-homme.
L'exemple du suaire de Turin et le mystère d'iniquité
Je ne suis pas un expert en "linceul de Turin" et je trouve le "propagateur" de sa cause Arnaud Aaron Upenski un peu exalté (ce qui peut desservir son propos), mais j'ai pu constater dans d'autres circonstances que le refus de la vérité (tant bien même toutes les preuves sont fournies et manifestes "devant les yeux") montre le vice inhérent à l'homme qui ne peut être effacé que moyennant des efforts très importants et l'intervention d'une grâce.
En découle une synthèse logique contraignante au terme de laquelle il apparaît, sans échappatoire possible, que le Linceul est, par sa nature même, sa propre démonstration d’authenticité, au troisième degré par défaut, en ce sens qu’il ne peut pas être autre chose que l’authentique linceul de Jésus Christ. (Upenski)
Alors le pape François a-t-il vraiment "renié" -tel Pierre- le Christ comme le prétend notre accusateur en refusant de trancher de façon nette la question de l'authenticité et en engageant l'Eglise ? Je ne saurais le dire, mais il est certain que tout organisme pourrit par sa tête. Le déni de la notion de vérité au profit du probable représente le dénominateur commun d'un monde fondé sur le refus des certitudes et le nivellement.