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Horizons et oraison d'un lecteur
6 novembre 2015

Les questions interdites

La lecture salvatrice de Claude Tresmontant permet de découvrir que la quasi totalité de la théologie enseignée est erronée, car encombrée d'images factices et enfantines qui interdisent de se faire une conception et une représentation claire de la vie de Jésus-Christ et de sa mission, même et surtout dans les traités catéchétiques et la "pastorale" commune. 

La conscience infantile représente et s' imagine trivialement et pieusement la "trinité" comme un conglomérat de petits bonhommes qui dansent dans le ciel et sont réunis de façon incompréhensible et mystérieuse. A partir de cette image sommaire de kermesse populaire, les traités les plus savants ont été écrit et les disputes innombrables pour "éclairer" les relations et les rôles respectifs du Père, du Fils et de l'Esprit sans rien apporter de vraiment utile à l'oraison, mais en embrouillant tout ou en simplifiant outrageusement.

Comment dès lors s'étonner que les esprits actuels rompus aux sciences positives aient tourné en dérision ce qui n'apparait plus au mieux comme des fables ou des rêveries poétiques déconnectées du réel et au pire comme des poisons distillé savamment pour émousser et endormir les consciences naïves et facile à endoctriner ? 

Le langage a cette faculté remarquable de pouvoir évoquer n'importe quoi et de faire tourner l'esprit en rond en faisant croire que les notions qu'il développent ont un référent réel. Donc on peut faire et construire de belles phrases de théologie, être habile en discours qui ont une apparente cohérence, mais sont en fait vides et creux.

De là un procès répété souvent justifié envers tout ce qui prétend à la "théologie" et à la "métaphysique" au-delà de l'expérience immédiate constatable par tous. Là comme ailleurs on a intérêt à séparer le bon grain de l'ivraie pour éviter de jeter le bébé avec l'eau du bain. Tresmontant prouve à travers son oeuvre unique et cohérente que l'usage du langage théologique doit être éclairé et informé sûrement par la Raison créatrice qui se trouve en continuité avec l'exercice de l'intelligence surnaturelle. 

Par une étude serrée et attentive à partir de l'origne hébraïque des textes et de la génétique des dogmes, il montre que la notion de "personne" est parfaitement trompeuse et fallacieuse et ne peut être attribuée en toute rigueur qu'au Fils en tant qu'il est Dieu qui a assumé la nature humaine. Assumé et non pas mêlé, alors que la traduction erronée du grec ("le Verbe s'est fait chair") répandue partout nous livre l'image trompeuse d'un Dieu qui se serait mélangé à quelque chose d'autre (la nature humaine). Il ne s'agit pas d'une simple nuance mais d'une différence fondamentale qui vient obscurcir le sens et interdit de fait une oraison fructueuse.

"Sur la question de la Trinité, il faudra s’armer de courage. J’ai ainsi dû lire deux fois le chapitre pour le comprendre. L’auteur se montre en effet brouillon et pis, cite des textes en latin qu’il ne traduit pas ! Mais avec un peu de courage, on les comprend très bien. Il sera alors démontré que Père, Fils et Saint Esprit ne sont pas des inventions chrétiennes mais des décalques de la théologie hébraïque et que ces trois essences de Dieu sont égales entre elles, ne constituent pas de personnages à part entière et que l’Esprit procède du Fils et du Père.

Je vous résume l’analyse pour plus de simplicité : Le Père, c’est Dieu et Dieu parle : la parole, c’est le Fils (prologue de l’Evangile de Jean) et la Parole agit : l’Esprit touche alors l’Homme. De fait, la parole n’est pas séparée de Dieu puisque proféré par lui ; l’Esprit n’est pas étranger à Dieu et à la Parole puisque l’Esprit est la manifestation de Dieu. De fait, l’Esprit procède de Dieu et de la Paroles : ce sont les mots dits qui germent en l’Homme.

L’Incarnation démontre que la Parole ne s’est pas mélangée à un être humain car Dieu ne se modifie pas, et il est et il restera de tout temps immuable. De fait, la Parole a assumé l’existence de l’Homme, ce qui n’est pas la même chose. Le Fils, c’est la Parole de Dieu professée dans le corps d’un homme réel.

Enfin, le pêché originel. On reste estomaqué de découvrir que l’idée que l’on se fait du pêché originel n’est pas en réalité catholique, mais protestante. L’Homme sali et souillé par la Chute qui pêche comme il respire, c’est la conception de Martin Luther et pas de Rome ! Au contraire, Rome insiste sur le fait que la Création n’est pas terminée, que la chute est certes présente mais qu’elle a permis d’enfanter l’Humanité et que le but final de la Création et de faire des Hommes de nouveaux Christ. Incroyable et surprenant chapitre qui remet en cause toutes nos idées reçues sur la question.

Enfin, Claude Tresmontant traduit le texte de la Genèse concernant la création de l’Homme et la commente. C’est incroyablement riche et passionnant. Ce théologien est en effet un spécialiste de l’Hébreu et du Grec et nous apporte énormément grâce aux étymologies proposées. Non seulement le texte en devient passionnant, mais de plus, on découvre des choses que l’on ne voyait pas : ainsi, découvre-t-on qu’il y a deux arbres nommés dans le jardin d’Eden, celui de la Vie et celui de la connaissance du Bien et du Mal. Eve cueille de l’arbre de la connaissance mais pas de l’arbre de la Vie. Etrange incertitude des mots : que signifie l’arbre de la Vie ? C’est celui-là que les Anges Keroubims défendront de leurs épées de feu et pas celui de la connaissance. Tresmontant avoue son incapacité à analyser le texte plus en profondeur. Cela reste néanmoins magistral. (commentaire client sur http://www.amazon.fr/malentendus-principaux-th%C3%A9ologie-Claude-Tresmontant/dp/2755401400)

Le Père Déodat de Bailly qui a fait renaître les études sur Duns Scot l'a montré à travers toute son oeuvre : les traits de "personnalité" ne sont imputables qu'au Jésus "terrestre" (qu'on relie à la "Trinité économique") en tant qu'il a une volonté propre et non aux autres membres de la "Trinité", ce qui précisément le fait "homme" et non un robot divin au service d'un "Père" hypothétique ayant pour frère un zombi humain agent du Néant et des forces du rien. 

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En Jésus se coordonnent à la perfection les opérations de la volonté divine et de la volonté humaine, ce qui le distingue formellement de la "trinité absolue" ou céleste qui possède elle une seule et unique opération.  

Fort de cette clarification, il est aisé de constater que les théologies hébraïques et musulmanes sont beaucoup plus proches qu'on imagine... 

 

L"'incarnation" ne signifie en aucun cas une "corporisation" quelconque (un Dieu "rétréci" aux dimensions d'un corps d'une façon incongrue comme l'image fallacieuse le suggère), mais le fait que deux natures hétérogènes sont totalement imbriquées l'une à l'autre et parfaitement unies dans un être créé sans souillure. Dans le cas du Christ, cette union existe donc "de nature", alors que pour les êtres soumis au péché elle résulte d'un accomplissement et d'un processus de purification menant à la sainteté.

"Une première constatation s'impose. Par rapport à la définition classique selon laquelle Jésus Christ unit en sa personne la nature divine et la nature humaine, Déodat évite soigneusement de convoquer les termes denaturehypostasepersonne, hérités de la conceptualisation des conciles œcuméniques de Nicée (325) et deChalcédoine (415) : non seulement ces notions philosophiques ne se trouvent pas dans l'Écriture sainte, mais, entre le néoplatonisme antique et le kantisme moderne, leur signification a profondément changé. En outre, que faut-il entendre par personne lorsque cette notion est censée garantir l'union entre deux natures ?

Deuxièmement, le Père Déodat substitue à la formule Verbe incarné, celle d'Assumptus homo (= Homme assumé par le Verbe), rejetée en son temps par saint Thomas d'Aquin. Le Franciscain renoue ainsi avec unechristologie basse, typique des Pères de l'Église d'Antioche, lesquels entendaient faire pleinement justice à l'humanité du Christ, telle qu'elle apparaît dans les évangiles synoptiques. De cette manière, l'accentuation théologique se déplace, de l'Immanence (Dieu en lui-même) vers l'Économie (Dieu tel qu'il se révèle).

Troisièmement, le rapport du Christ à Dieu est décrit comme un duel d'amour réciproque entre deux individus autonomes. Cette métaphore dynamique reprend une intuition forte de la théologie scotiste : pour Duns Scot, en effet, Dieu a créé l'univers en prévision d'un être dont l'amour serait capable de correspondre le plus hautement possible au sien. Autrement dit, l'Incarnation n'a pas pour cause première la réparation du péché originel, mais en elle s'accomplit l'intention créatrice de la Trinité, qui, s'aimant à l'intérieur d'elle-même, veut partager cet amour à l'extérieur, en suscitant un individu capable d'y répondre librement et parfaitement.

Dans ces conditions, la christologie se doit de reconnaître pleinement au Christ un Moi humain autonome et concret : l'homme Jésus ne peut être réduit à un automate, un ventriloque, un pantin de la Parole divine. C'est pourquoi le Père Déodat opère une distinction entre quelqu'un et personne : Jésus Christ est avant tout quelqu'un, ce Moi humain singulier et libre, tout comme le Verbe divin est un autre quelqu'un; cependant, en tant que personne, Jésus Christ n'est pas une autre personne que celle - complexe - que constituent, unis, le Verbe, personne divine, et l'Assumptus homo, l'homme singulier qui lui est subjoint. Comme l'écrit Bernard Forthomme,le Moi est in recto celui de l'homme singulier (quelqu'un) autonome, et in obliquo le soi de la personne5. Autrement dit, Jésus n'est pas Dieu in recto mais in obliquo; il présente une psychologie humaine; doué d'une volonté rationnelle; il est la cause de ses propres actes et non un simple instrument sous le contrôle du Verbe". (https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9odat_de_Basly)

La Miséricorde du Père consiste alors à "prendre", "assumer" cette nature humaine qui est hétérogène à la nature divine tout en procédant. Mais pour le comprendre il faut réfléchir à l'acte même de la création. En créant l'univers et les créatures, Dieu a introduit une altérité là où il n'y avait que lui-même au départ.

Des grands kabbalistes, mystique et visionnaires chrétiens comme Jacob boehme ont interrogé et médité en substance ce profond mystère en montrant qu'il a fallu que Dieu opère une "kénose" en lui-même, qu'il se "désaisisse" en quelque sorte de sa propre essence parfaite pour permettre à l'univers et aux créatures d'apparaître. 

Cette création qu'il a permis et voulu, Dieu l'a assumée pleinement et ne l'a pas livrée à son triste sort en l'abandonnant. Il a "envoyé son Fils", c'est -à -dire qu'il a créé un être qui puisse servir d'étalon et de modèle aux autres en montrant le but de la création en sa gloire terminale, l'homme qui se divinise et qui s'intègre à sa nature divine en vue d'une nouvelle création.  

Pour comprendre l'intention finale -, l'homme divinisé pleintement intégré à sa nature-  il faut parvenir à "voir" la cause motrice : le fait même de la création à partir de "rien", de l'absolu. Ce point est soigneusement caché dans le bouddhisme qui donne paradoxalement tous les moyens "techniques" imaginables sous forme de pratiques extra-ordinaires pour "réparer" la créature une fois le "péché" commis (ce qui dérègle complètement l'organisme énergétique ou "corps subtil"), mais sans jamais poser la question de la cause et de la finalité.

Ce qui permet aux esprits forts de considérer que le bouddhisme est une simple "technique", qu'il est même athée et ignore tout de la relation personnelle entre l'Incrée et la nature créée. 

En réalité, tout cela est implicite : c'est le Maître qui dans cette tradition donne toute la Lumière informative au disciple sur cette question qui est tenue secrète et jamais révélée publiquement. Dans le Christianisme, cette question est ouvertement soulevée et assumée, mais tout le côté "pratique" de l'affaire (l'"alchime" qui permet la transmutation réelle et non métaphorique du corps subtil) est soigneusemen occultée (il n'ya donc aucune religion qui en rachète une autre !), au point qu'aujourd'hui on entend dans les prêches et les sermons que la "sainteté" consiste simplement à "faire ce que Dieu veut de nous au quotidien".

Le problème c'est que cette vision revient à vouloir la faire un avec la nécessité naturelle, sans même la distinguer de la Providence, ce qui revient asns le dire à une forme de stoïcisme qui est à mes yeux le contraire même d'une vision chrétienne assumant le fait que le bonheur ne se situe pas dans cet univers sensible mais dans le Royaume et le Règne de Dieu.

A nouveau il faut définir les termes pour savoir de quoi on parle. Les études érudites de Jean Carmignac nous montrent que le "retour de Jésus à la fin des temps" n'a rien à voir avec l'image d'un petit bonhomme qui descend du ciel pour illuminer tout le monde et ramener la paix sociale (encore une imagerie naïve incrustée dans notre langage qui a un pouvoir de séduction fou même chez des personnes cultivées et instruites), mais avec l'accomplissement intégral du Royaume (qui n'est autre extérieurement que l'Eglise et intérieurement les opérations de l'âme purifiée suivant un mode de "gouvernement" dont l'analogue humain le proche est symbolisé par la figure de la royauté), en fait quasiment indépendant de la "fin des temps" terrestre.  

Assimiler "ce qui est" avec le Royaume est contraire à la tradition : le saint est celui qui a traversé physiquement parlant la vie naturelle grâce au "feu purificateur" inséparable de sa lumière rédemptrice à travers une ascèse et une mission particulière qui lui a donné une vision privée, personnelle et efficiente de Dieu, ce qui lui permet d'accéder tour à tour aux fiancaille puis au mariage et noces spirituelles. 

Si cette purification ne s'est pas faite du vivant de la personne, elle s'opère au "purgatoire" et est atténuée grâce à l'intecession du "corps mystique des saints" qui consitute à proprement parler l'Eglise substantielle. D'où la nécessité impérative de méditer sur ce mystère du "purgatoire" pour avoir une représentation cohérente de la destinée humaine. Il existe heureusement de nombreux traités mystiques célèbres qui nous y aident.

Mais en aucun en se contentant de faire le "travail du quotidien" au sens naturel on ne peut espérer participer à la Vie divine qui a son existence indépendante de notre triste existence même si elle peut l'"assumer". Nous devons nous incorporer à un courant qui existe avant nous, avec nous et continuera après nous. On peut l'ignorer volontairement ou tenter de se frayer un accès avec une embarcation de fortune.   

Pour avoir une "vision" ou au moins un aperçu de cette "Eglise substantielle" et de cette "vie divine", il faut être connecté a minima à l'église institutionnelle ou à tout autre équivalent dans une tradition sacrée, c'est-à-dire à l'ensemble des signes et représentations sensibles (normalement plus apparent lors des sacrements) qui permettent ensuite de générer patiemment et progressivement un monde plus dense en perfection que notre monde d'apparences illusoires et contaminées.

Les deux réalités sont inter-dépendantes, tout la fameuse expression "hors de l'Eglise poit de salut". Cela ne signifie pas que l'église en tant qu'institution est infaillible (ou à l'inverse qu'elle se trompe tout le temps), mais qu'on doit partir d'une représentation sensible, de quelque chose de manifesté et de visible pour s'élever progressivement dans la connaissance des mystères. 

Tresmontant considère comme un folie de vouloir générer en soi un univers de perfection (une démarche honteuse qualifiée sans cesse de "platonicienne", de "gnostique" et de "théosophiques" par notre chercheur), car il a posé son propre dogme étroit et n'a posé qu'une seule question interdite malgré toute sa science : "on ne peut interroger et sonder les mystères même de la vie divine car création et génération pure sont deux réalités inconciliables".

Pourtant la lecture des saints et des traités de prière valides montre exactement le contraire : une oraison réussie est fondée par une imagination signifiante, éclairée par une information créatrice. Cela présuppose à la fois la réparation de la créature déchue comme la génération d'un univers nouveau qui unit la sensation purifiée et l'esprit réinformé. S'il manque un des termes, l'accès à la transformation et à la vie divine est impossible : cela revient à vouloir marcher sur l'eau avec une seule jambe. 

Vouloir réunir l'"une et l'autre est une folie de "théosophes" et de l'ennemi tout désigné : le métaphysicien allemand qui prend divers masques et figures pour travestir l'unique vérité donnée une fois pour toutes et qui surplombe le reste.

Mais notre auteur aurait du savoit que l'ennemi principal niche en chacun à travers l'étroitesse de ses conceptions limitées. Il pêche là par ignorance tombant dans la même ornière qu'il dénonce fort justement par ailleurs. Des esprits audacieux et des âmes bien bien trempées ont osé poser les "questions interdites" et ont même trouvé des réponses en recevant les "lumières intelligibles" appropriées.

Tresmontant a pris son propre cas pour la norme, sans voir que le pratiquant même modeste peut aller beaucoup plus loin et plus profondément, pousser l'enquête jusqu'à ses ultimes conséquences. Il dit lui-même que la Révélation est la communication continue et ininterrompue d'une information créatrice mais il n'applique pas intégralement sa découverte.  

Autrement il aurait perçu que création, réparation et guérison des vases et réceptacles brisés formaient une triade qui avait son pendant dans émanation, génération et procession de lumières pures et intelligibles, étant les deux aspects d'un seul et unique Vivant qui est "mort et "ressucité".   

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