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Horizons et oraison d'un lecteur
5 juillet 2015

Bref essai de théodicée

Il y a quelque chose d'assez illogique dans le "Plan de Dieu" tel qu'il est présenté par la théologie habituellement. On laisse entendre qu'une part de l'humanité va sombrer nécessairement dans l'enfer ou tout le monde va être sauvé d'un coup de baguette magique final par le "deus ex cathedra" , même s'il se trouve des théologiens comme Urs von Balthasard qui ont laissé ouverte la question en laissant entendre que l'enfer pouvait être "vide" (L'enfer, une question, Desclée de Brouwer, 1991) tout en ayant une certaine existence, comme la mystique Adrienne von Speyr qui y est allé et n'y a rencontré personne.

Logique puisque l'enfer désigne tout simplement la vie sans Dieu à savoir la vie ordinaire pleine de conceptions fallacieuses et de perceptions contaminées par l'alliance contre nature entre le "vital" et le "mental" de l'homme au détriment du déploiement de l'intelligence du coeur, de l'amour et de la charité. Nul n'est besoin d'en rajouter une couche pour trouver l'enfer ailleurs qu'en soi et autour de soi. 

Si une partie de l'humanité et de l'univers doit sombrer dans la ténébre une bonne fois pour toutes, cela veut dire que Dieu a décidé de s'amputer de lui-même, ce qui, si on y réfléchit bien, apparaît à la fois comme absurde, contradictoire et blasphématoire. C'est pour cette raison que toutes les doctrines basées sur la prédestination sont toujours apparues choquantes aux yeux des personnes sensées et que l'abbaye de Port-Royal a mal fini (il ne s'agissait pas juste de questions de politique).

Alors quel pourrait être le chemin de salut pour l'humanité "théandrique" et l'univers pris dans son ensemble ? Il y a là un sujet qui fascine les théologiens orthodoxes qui se plaisent à rêver le monde réintégré dans et par la Sophia divine connue par la figure de la vierge Marie.

Nous pouvons dire que, par la résurrection et l'ascension de la Mère de Dieu, la création du monde est achevée, que sa fin est atteinte : " La Sagesse a été reconnue juste d'après ses œuvres " (Mt 9,19). La Vierge est déjà ce monde glorifié, déifié et devenu capable de recevoir Dieu. La Mère de Dieu, qui a donné à son Fils l'humanité du Nouvel Adam, est aussi la Mère du genre humain ; elle est l'humanité universelle, le foyer spirituel du créé, le cœur du monde. Elle est la créature entièrement et parfaitement déifiée, qui enfante, qui porte et qui reçoit Dieu.

Par rapport au Père, elle est appelée Fille ; par rapport au Logos, Mère, mais aussi Fiancée de Dieu (ou Épouse inépousée) ; par rapport au Saint Esprit, elle est la Pneumatophore, la gloire du monde. En ce sens, elle est aussi le cœur de l'Église, l'image personnelle de celle-ci, son centre focal. Elle est en communion avec les saints dans l'Église glorifiée et elle apporte ses prières pour le monde, que nous ne cessons de lui demander. Cependant, tournée vers le ciel, siégeant " à la droite du Fils ", elle est supérieure à tous les saints, elle est même au-dessus du chœur des anges, car elle a servi le mystère de l'Incarnation. C'est en ce sens que l'Église lui adresse la prière : " Très Sainte Mère de Dieu, sauve-nous ! " Elle reçoit le pouvoir de Reine céleste, en vertu du pouvoir dans le ciel et sur la terre qui a été donné à son Fils.

Ce pouvoir n'est naturellement pas le même que celui du Fils, qui détient le pouvoir divin du Dieu-Homme. Celui de la Vierge lui est donné en vertu de sa déification accomplie et de sa participation à la gloire de son Fils.

Elle est en outre la médiatrice par excellence du genre humain, pour lequel elle prie et qu'elle couvre de son Voile vénérable. Elle l'est à un titre spécial, supérieur à l'intercession des saints. En effet, ceux-ci ont encore à connaître une certaine croissance, " de force en force ", à suivre la voie d'une sanctification continuée. Ils se trouvent encore en-deçà de la résurrection qu'ils attendent du deuxième Avènement du Christ, alors que la Mère de Dieu a déjà effectué la sienne. Ce qui pour eux est encore à venir s'est déjà produit quant à elle : la plénitude de déification et de vie en grâce, alors que celle-ci est au-delà pour l'ensemble de la création.

Aussi la Mère de Dieu reste-t-elle inaccessible au monde, car supérieure à lui. Si elle lui apparaît, ce n'est qu'en vertu de la condescendance de son amour (par une sorte de kénose de la maternité divine). L'échelle de Jacob, image de la Très Sainte Vierge, se dresse entre la terre et le ciel. La révélation parfaite de la Mère de Dieu dans la gloire ne deviendra possible qu'au moment où le monde lui-même aura accédé au royaume de la gloire, par la puissance de la résurrection générale et de la transfiguration du créé. Aussi l'iconographie ecclésiale place-t-elle la Mère à la droite du Fils au Jugement Dernier, où elle intercède pour le monde pécheur. Selon la croyance de l'Église, elle apporte aussi son secours aux âmes qui passent dans l'autre monde par le chemin qu'elle a elle-même accompli dans sa Dormition.

La vénération de la Mère de Dieu dans l'Orthodoxie est telle que des gens extérieurs à elle peuvent se demander s'il ne s'agit pas d'un culte divin et si la doctrine d'une espèce de divinité féminine n'est pas introduite dans le christianisme. Pour dissiper pareil malentendu, il suffit d'indiquer que la Mère de Dieu, quelle que soit la hauteur de la vénération qu'on lui voue, n'est pas une divinité, car elle n'est pas Dieu-Homme. Son hypostase et sa nature humaines demeurent telles, quand même sa déification serait parfaite. Elle est la Pneumatophore sur laquelle repose le Saint Esprit, mais elle est humaine, encore que déifiée. Le Saint Esprit ne s'incarne pas hypostatiquement, comme le fait le Fils : conformément à son " idiome " hypostatique, il obombre, il sanctifie, il imprègne, il vivifie.

Il n'en reste pas moins que sa manifestation la plus complète et la plus haute se produit justement chez la Pneumatophore, la Vierge Marie " pleine de grâces ". Par sa figure hypostatique, elle est la manifestation humaine de l'Esprit Saint. En elle, dans sa personne humaine transparente à l'Esprit, nous avons son apparition, pour ainsi dire, sa révélation hypostatique. La Personne de l'Esprit Saint nous reste cachée même lorsqu'il descend à la Pentecôte : celle-ci n'a directement procuré que ses dons. Il existe pourtant une hypostase humaine à laquelle il est donné de révéler l'Esprit Saint : la Très Pure Vierge Marie, cœur de l'Église. Néanmoins, cette révélation (et non pas incarnation, répétons-le) de l'Esprit Saint nous reste transcendante dans ce siècle. La dormition, la résurrection et l'ascension de la Mère de Dieu séparent cette révélation de l'être du monde. Celui-ci ignore la figure glorifiée de la Vierge et il est encore incapable de supporter la manifestation du Saint Esprit. Celle-ci n'est propre qu'au siècle à venir, elle appartient à l'eschatologie. Lors de la Parousie, avec l'apparition du Christ glorifié, le monde verra aussi dans la gloire son humanité glorifiée, en la personne de la Pneumatophore, la Vierge Marie. (Extrait du livre de Serge Boulgakov, Le Buisson ardent, Essai d'interprétation dogmatique  de certains traits relatifs à la vénération orthodoxe de la Mère de Dieu (1927), repris dans La Sagesse de Dieu, Résumé de sophiologie (1937), L’Âge d’homme, Lausanne, 1983).

Mais ceux qui ne reconnaissent pas le Christ (et d'ailleurs pourquoi le reconnaîtraient-ils plus au second avènement qu'au premier ? Pourquoi auraient-ils changé ?), que va-t-il advenir d'eux ? Habituellement, les chrétiens fort d'eux-mêmes se résignent au fait que les méchants doivent aller croupir en enfer voire être désintégré en retournant au néant. Mais est-ce vraiment le plan de Dieu ?

Peut-être attend il une initiative de notre part pour qu'il soit sauvé du risque qu'il a pris pour nous en nous accordant l'existence. Sa Miséricorde a consisté à tirer la créature et l'univers de rien, a donner son Fils, a laisser son Fils se faire maltraiter, et finalement a ne pas condamner l'humanité malgré cette ingratitude et toutes ses forfaitures (comme Soeur Kovalska a montré que la Miséricorde du Seigneur était plus grande que sa Rigueur).

Le problème des anges déchus, c'est qu'ils appartiennent de fait au "côté obscur" de Dieu qui constitue la racine de ses attributs et de ses manifestations courroucées dites " de majesté". Ce sont des énergies conscientes qui se sont activées et qui outrepassent leur rôle normal (ce qu'on appelle "révolte et chute des anges") qui est de donner le fond et l'énergie a la manifestation coercitive de Dieu montrant sa colère et sa puissance. 

Elles ont refusé l'abaissement doux et tendre du Père dans le Fils (le mouvement kénotique intra et extra trinitaire) au profit du "côté sombre de la force". En tant que puissances incorporelles, elles ne cessent de pervertir l'histoire humaine en influençant les êtres dans le mauvais sens, ce qui compromet gravement l'avenir de la terre. Le démon est bien plus qu'une simple absence d'être comme une théologie irréaliste a tendance à le représenter. C'est une puissance réelle qui harcèle l'homme car elle a son origine en Dieu même

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comme Jacob Boehme l'a excellement montré. 

La seule solution serait de "convertir" ces forces tant au niveau individuel que collectif sans les rejeter et cela seul l'homme peut le faire car il possède en lui l'image de la Trinité et est amoureux de sa propre part d'ombre sans le savoir. Le reflet lumineux de la Trinité peut "éclairer" ces forces tapies dans l'ombre. Le drame de l'être humain, c'est qu'il croit qu'il est l'auteur de ses pensées et de ses actes, alors que la plupart du temps ils lui soint "soufflés" par un tiers.

Par exemple, quelque pense d'un autre (cela peut arriver) "je vais te faire du mal" pour telle ou telle raison. Ce faisant il amagine que c'est lui qui pense cela d'un tiers alors qu'en réalité c'est un autre tiers (le "démon") qui lui souffle à lui qu'il va lui faire du mal. En donnant un porte-voix au mal-dire qui prend sa place, il se fait directement du mal à lui même car il s'est opéré une substitution de locuteur à son insu.

 

Dans la locution "je " te veux du mal, le référent réel du "je" n'est pas la personne mais le souffle du démon s'adressant à la l'être illusionné s'imaginant s'adresser à quelqu'un d'autre alors que quelqu'un d'autre a pris sa place. C'est pour ça que le démon est content quand il y a malveillance et toutes les formes du "mal-dire" : cela lui permet de prendre la place et de se substituer à autrui et peut aller jusqu'à la possession totale. 

On remarquera que le principe de cette possession représente le contraire de l'action du Christ sur la croix qui va venir se "substituer" au vieil Adam cause formelle de nos péchés ou tout au moins nous donner un modèle valide d'actions sanctifiantes. 

La prière est l'inverse de la malédiction puisqu'elle enveloppe autrui d'une affection dans le souci d'un salut commun. Mais la malédiction est une prière déformée et unilatérale dans laquelle un des protagonistes se cache, car il ne supporte pas l'échange réciproque, à savoir le fondement énergétique du souffle d'amour qui circule. Si les deux termes sont mutuellement visibles on appelle cela une vision face à face dont il existe tous les degrés menant d'une aperception fugitive à une union stable et complète, d'une vision arrachée subrepticement à un mariage librement consenti. 

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